von Émile Gaboriau
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Louis XV venait d'atteindre sa quinzième année, et la cour attentive étudiait avec anxiété le caractère du jeune roi, afin de modeler sa conduite sur celle du maître, d'adopter ses goûts, et d'aller audevant de ses moindres désirs. Mais nul symptôme encore n'éclairait les courtisans attentifs. L'ennui seul se lisait sur les traits du royal adolescent. Il était timide, gauche, irrésolu, dévot. Ainsi l'avait façonné pour son ambition le cardinal Fleury, ce précepteur ministre d'État, qui, sous une doucereuse modestie, dissimula toujours ses rêves de grandeur.Rien encore ne faisait présager ce que devait être un jour Louis XV, ce sultan blasé du ParcauxCerfs, inamusable amant de madame du Barry. Les vétérans du PalaisRoyal, ces parangons effrontés de la débauche, avaient presque envie de crier au scandale. Vainement les grandes dames cherchaient le c¿ur du jeune monarque; il baissait les yeux, et rougissait sous la hardiesse provocante de ces regards. Oui, il rougissait, ce jeune prince bercé aux chants de cette orgie universelle qui s'appelle la Régence. Et c'est une justice à rendre au duc d'Orléans, à cette époque où toutes les ambitions spéculaient sur les vices, s'il fut athée, blasphémateur, dissolu, il préserva de tout contact impur le royal enfant que la Providence avait commis à sa garde, et dont il devait compte à la France.Et les grandes dames trouvaient désespérante cette timidité de Louis XV. Il était parfaitement beau à cette époque, et toutes les femmes convoitaient sa possession. «Les dames étaient prêtes, dit de Villars dans ses Mémoires, mais le roi ne l'était pas.» Les courtisans malins allaient répétant que Louis XV attendait les seize ans de l'infante d'Espagne qu'on lui destinait pour épouse, et qui n'avait encore que sept ans. «C'est encore neuf ans de sagesse,» disaientils.