von George Sand
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Poelnitz avait assez de motifs de ressentiment contre la Porporina pour saisir cette occasion de se venger. Il n'en fit rien pourtant; son caractère était éminemment lâche, et il n'avait la force d'être méchant qu'avec ceux qui s'abandonnaient à lui. Pour peu qu'on le remit à sa place, il devenait craintif, et on eût dit qu'il éprouvait un respect involontaire pour ceux qu'il ne réussissait pas à tromper. On l'avait vu même se détacher de ceux qui caressaient ses vices pour suivre, l'oreille basse, ceux qui le foulaient aux pieds. Étaitce le sentiment de sa faiblesse, ou le souvenir d'une jeunesse moins avilie? On aimerait à croire que, dans les âmes les plus corrompues, quelque chose accuseencore de meilleurs instincts étouffés et demeurés seulement à l'état de souffrance et de remords. Il est certain que Poelnitz s'était attaché longtemps aux pas du prince Henry,en feignant de prendre part à ses chagrins; que souvent il l'avait excité à se plaindre des mauvais traitements du roi et lui en avait donné l'exemple, afin d'aller ensuite rapporter ses paroles à Frédéric, même en les envenimant, pour augmenter la colère de ce dernier. Poelnitz avait fait cet infâme métier pour le plaisir de le faire; car, au fond, il ne haïssait pas le prince. Il ne haïssait personne, si ce n'est le roi, qui le déshonorait de plus en plus sans vouloir l'enrichir. Poelnitz aimait donc la ruse pour ellemême. Tromper était un triomphe flatteur à ses yeux. Il avait d'ailleurs un plaisir réel à dire du mal du roi et à en faire dire; et quand il venait rapporter ces malédictions à Frédéric, tout en se vantant de les avoir provoquées, il se réjouissait intérieurement de pouvoir jouer le même tour à son maître, en lui cachant le bonheur qu'il avait goûté à le railler, à le trahir, à révéler ses travers, ses ridicules et ses vices à ses ennemis. Ainsi, chaque partie lui servait de dupe, et cette vie d'intrigue où il fomentait la haine sans servir précisément celle de personne avait pour lui des voluptés secrètes.