Über Au pays des cigales
LETTRE-PRÉFACE
"Vous m¿envoyez de votre beau pays de lumière un livre tout parfumé de thym et de lavande, et vous me priez de lui souhaiter la bienvenue dans notre Paris noir de pluie, où les roses de mai, ce¿e année, n¿ont pu fleurir, brûlées par les vents et les gelées. Oui, qüil soit le bienvenu. Il m¿apporte, à moi, ma jeunesse déjà lointaine, les cours du collège d¿Aix, que je revois souvent en fermant les yeux, avec leurs gros platanes, leurs vols de moineaux, la terre dure où l¿hiver nous bäions la semelle, le bassin dans lequel nous pataugions l¿été ; il m¿apporte mon adolescence, nos grandes courses jusqüà Sainte- Victoire et au Pilon du Roi, nos premiers vers écrits sous les ombrages des Pinchinats, nos premières amours, le soir, sous les fenêtres des demoiselles, auxquelles nous donnions des sérénades, comme dans Byron et dans Musset.
¿and je les ai lus, ces nouvelles et ces contes dorés par le soleil de Provence, il m¿a semblé que je redevenais tout petit pour me remettre à grandir. J¿avais cet attendrissement des vieilles lettres d¿amour retrouvées au fond d¿un tiroir. Savez-vous quel rêve je faisais ? Je me voyais au bord de l¿Arc, dans un trou de feuilles que je connais bien. Il y a vingt ans que je ne suis allé m¿asseoir sur cette berge ; mais elle est restée pour moi avec son printemps éternel, son bouquet de saules, son eau blanche argentant les cailloux, ses terres rouges, en face, allant jusqüà l¿horizon bleu, toutes flambantes de l¿incendie de midi. J¿étais là, votre livre évoquait ce coin de mystère, où j¿ai laissé mon c¿ur. Et je vous souhaite aussi la bienvenue au nom de notre grand Paris entier, où vous arrivez avec la belle saison tardive, un peu après les hirondelles, un peu avant les roses. Il n¿est pas besoin d¿avoir laissé son c¿ur en Provence pour rire et pour pleurer avec vous. Quand le soleil vient, les bras se tendent, on lui ouvre sa demeure, sans l¿avoir connu à son berceau ; et c¿est le soleil que vous apportez à tous, la jeunesse vaillante, l¿enthousiasme et la foi, les premiers récits d¿un poète qui sont comme les premières tendresses d¿un amant. Soyez sans crainte, les livres les plus chers sont les livres de la vingtième année. Le vôtre a déjà pour lui les femmes qui aiment, les jeunes gens qui espèrent et les vieillards qui se souviennent. Je ne veux point ici faire ¿uvre de critique et vous louer en argumentant sur votre talent. Ce rôle de pédant, au milieu de vos fleurs, me paraîtrait bien lourd. Non, je tiens seulement à vous dire toute mon émotion, le charme sous lequel vous m¿avez tenu. Imaginez que je sois allé vous voir, près de Marseille, aux Aygalades ou à Montredon, dans un petit jardin rafraîchi par les brises de mer. Je suis un passant, un invité, un ami émerveillé de vous entendre ; et jusqüau soir nous causons, et je m¿en vais, en emportant votre chant de cigale adouci, pareil dans la nuit tiède à un chant de flûte. (...)"
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