Über L¿¿IL DE CHAT
Le jour venait de se lever, blafard et triste.
Paris ¿ le Paris qui travaille ¿ s¿éveillait.
Les ouvriers descendaient des hauteurs de Montmartre, la pipe à la bouche et le pain sous le bras. Les petites couturières trottinaient vers l¿atelier où elles vont pousser l¿aiguille jusqüà la nuit pour gagner quelques sous.
C¿est l¿heure où les viveurs à outrance rentrent chez eux.
Un fiacre montait lentement la rue du Rocher, un de ces affreux fiacres, attelés d¿une rosse poussive, qüon trouve, sur le tard, à la porte des cercles et des restaurants fréquentés par les soupeurs.
Au fond de ce véhicule délabré, qui sonnait la ferraille, un jeune homme sommeillait, en mâchonnant un cigare éteint : un grand garçon, très brun, engoncé dans un paletot dont il avait relevé le collet pour cacher sa cravate blanche, car il était en tenue de soirée et, à ses traits fatigués, on voyait bien qüil ne s¿était pas couché.
Il avait baissé une des glaces de la voiture, probablement parce qüil éprouvait le besoin de respirer l¿air frais du matin, après avoir veillé longtemps dans un lieu empesté par la fumée du tabac, et quand il entrouvrait les yeux, secoué par un cahot, il regardait vaguement les passants qui filaient sur les trottoirs.
Et il lui arrivait d¿envier le sort de ces esclaves du labeur que la nécessité de gagner leur pain quotidien forçait à courir les rues dès l¿aube ; il lui arrivait de souhaiter d¿être à leur place, lui, le riche dés¿uvré, déjà las de vivre sans but.
Il faut dire tout de suite que ces aspirations à une existence régulière lui venaient à la suite d¿une grosse perte de jeu et qüil ne pensait pas sérieusement à se convertir.
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